Logo Design : histoires et fabulations autour des logos de Apple, Starbucks, Lacoste et Nike

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Pour faire suite à mon dernier papier à propos du Story Telling, et surtout à ma récente lecture de cet intéressant billet du site de vente de prêt-à-porter pour homme, Mr Porter, je reviens narrer les histoires et les fabulations autour des créations de logos des marques (je l’avais aussi promis ici… Vous voyez, je peux parfois trainer, mais je ne vous oublie pas !). L’article précédemment cité est en anglais et très bien écrit, c’est pourquoi je me contente ici de traduire les grandes lignes pour les anglophobes (mais j’apporterai parfois ma petite touche ! :P).

Comme beaucoup de gourous du marketing, surpayés et overdosés à la caféine, je ne peux vous confirmer qu’une chose : la puissance d’un logo. Que ferait Batman sans son « bat symbol » ? Superman sans son “S” ? Si un logo peut transformer un gars portant son slip par dessus son collant en super héros, imaginez ce qu’une charte graphique peut faire pour une marque. Son pouvoir : envoyer un message, infiltrer les consciences collectives, et définir une entreprise ainsi que toutes ses valeurs dans un simple symbole.

La tâche n’est pas aisée, et il arrive que même les plus grands se plantent, le résultat n’étant pas à la hauteur des sommes investies. En 2008, Pepsi dépense près d’un million de dollars pour la refonte de son logo qui s’avère au final très proche de l’ancien. Le logo des Jeux Olympiques de Londres 2012 a coûté la bagatelle de 400 000 livres et rappelle plus que vaguement au public une Lisa Simpson dans une position des plus particulières (ne me demandez pas de détails, faîtes une recherche sur Google).

Ainsi, un chèque avec plusieurs chiffres ne garantit pas toujours le succès de votre identité graphique, hors, cette dernière en dit beaucoup sur vous, et parfois même plus que ce que l’on souhaite. En voici quelques exemples…

Apple

logo_apple

Comme toute chose suscitant l’intérêt (que dis-je, l’obsession !), les détails sont scrutés au microscope, et la pomme d’Apple est évidemment sujet à diverses discussions. Le “croc” (« bite » en anglais) est-il une allusion au “byte” (octet, unité de mesure informatique) ? Les proportions du logo correspondent-elles au nombre d’or ? Non, et non. Mais un des mythes les plus répandus au sujet du logo de la marque de Cupertino est rattaché à Alan Turing, considéré comme le père de l’informatique moderne.

Arrêté et condamné en 1952 pour son homosexualité, Turing accepte une castration chimique « afin de corriger sa sexualité ». Ce qui n’a pas vraiment duré, puisque 2 ans plus tard, il est retrouvé mort sur son lit, une pomme empoisonnée à moitié entamée posée sur sa table de chevet. Entre 1977 et 1998, il se disait que le logo d’Apple était un hommage à ce dernier : la pomme se référant à Blanche-Neige, et les couleurs arc-en-ciel à la cause gay, l’ensemble symbolisant la liberté dont il n’a jamais pu jouir.

La vérité est un peu moins romanesque. Le co-fondateur Steve Wozniak rappelle que l’entreprise s’est appelée “Apple Computer” d’après un séjour de Steve Jobs dans une ferme de pommiers située à Portland. Selon Rob Janoff, le graphiste à l’origine du logo, la morsure a été ajoutée afin de ne pas confondre la pomme avec une cerise.

Starbucks

logo_starbucks

D’une manière inexplicable, c’est devenu le coffee house que tout le monde aime détester. Sauf quand on a vraiment envie besoin d’un café… ça prouve à quel point on aime Starbucks. Victime de son propre succès, la marque doit aussi cette (im)popularité en partie grâce à son logo, estampillé sur près de 5 milliards de gobelets et mugs servis chaque année. À moins d’avoir été séquestré dans une grotte ces trois dernières décennies, on sait tous à quoi ressemble ce logo, mais on sait moins souvent à quoi il correspond.

Selon l’historien officiel de Starbucks, les origines du logo remontent à 1971, quand l’enseigne n’était encore alors qu’une petite échoppe basée sur le front de mer de Seattle. À la recherche d’un symbole fort, connotant une relation entre le café et la mer, l’entreprise se référa alors aux vieux livres marins, et elle se serait inspirée d’une gravure sur bois datant du XVIème siècle, où était dessinée une sirène à deux queues. La créature légendaire mi-femme mi-poisson alliant mystère et nautisme aurait séduit unanimement.

Étudiant des Arts Médiévaux, un élève de Yale découvre le pot aux roses : il n’y a jamais eu de telle gravure, et la sirène originale est tirée du Dictionnaire des Symboles de Cirlot, dont la seconde édition parut comme par hasard en 1971. Moralité ? Ne jamais faire confiance à Starbucks, sauf si, j’insiste mais vous l’aurez compris, vous avez véritablement la nécessité d’un café (ndlr : l’auteur, Mr Porter, a à priori une dent contre Starbucks. Perso, j’aime bien ! J’imagine qu’il est rancunier parce qu’il n’apprécie pas qu’on lui raconte des salades… Qu’est-ce que je disais à propos de la sincérité dans les story tellings ?).

Lacoste

logo_lacoste

Dans les années 20, le tennis est un sport de gentleman et la tenue correcte, bien que peu pratique, est exigée : pantalon de flanelle blanche, chemise manches longues et chandail col V. René Lacoste invente alors le polo, mais aussi la machine à tirer des balles ainsi que la première raquette métallique. Cependant, sa pugnacité sur les courts est plus célèbre que ses inventions et lui vaut le surnom “le Crocodile”. Appellation qui aurait également vu le jour en 1923, suite à un pari entre Lacoste et Allan Muhr, son capitaine en Coupe Davis. Lors d’une ballade, celui-ci aurait remarqué l’attirance de Lacoste pour une valise en cuir d’alligator exposée dans une vitrine ; il lui propose alors de lui offrir si il bat son prochain adversaire, l’australien James Anderson. Hélas, défait, le match du français et l’anecdote sont relatés par la presse américaine qui confond alligator et crocodile. Les titres : “Il n’a pas eu sa valise en crocodile, mais il s’est battu comme un crocodile”. Ce sobriquet le suit, et Lacoste se met à porter une veste arborant un crocodile à chacun de ses tournois. À une époque où un Roger Federer ne peut soulever un trophée sans porter sa Rolex pour des raisons contractuelles, on apprécie encore plus ce genre d’historiettes.

Nike

logo_nike-swoosh

C’est un cas d’école que j’utilise quasi systématiquement dans mes argumentaires. La célèbre virgule (« Swoosh ») est L’ICONOGRAPHIE absolue qui définit un nom, une marque, une histoire, des valeurs. Nike est le Swoosh ; le Swoosh est Nike. L’un ne va pas sans l’autre… enfin si, et là est sa force ! “Minute papillon, vous êtes finalement en train de dire que le gourou marketing surpayé et overdosé à la caféine avait raison depuis le début ?”, doucement chaton. Pose ton chéquier et écoute attentivement ce qui va suivre.

En 1971, Phil Knight est en plein processus de renaming. Blue Ribbon Sports, son affaire d’import de baskets est rebaptisée Nike. À ce moment là, il emploie une étudiante en graphisme qu’il a rencontré lors d’un cours de comptabilité qu’il donne à l’Université de Portland State. La jeune graphiste, Carolyn Davidson, conçoit l’icône mythique dont les formes sont inspirées des ailes de la déesse grecque de la victoire, éponyme de la marque. Prix du logo : 35 dollars. Mais ce qui peut être encore plus rabaissant que ce « pour-boire », c’est que Knight n’a même pas eu le coup de cœur : « Je n’aime pas, mais je pense que ça viendra avec le temps » (“I don’t love it, but I think it’ll grow on me”).

En conclusion

La singularité d’une identité de marque se travaille et se forge avec le temps. Dévoiler ses références fait parti du story telling et du processus de séduction d’une marque auprès de sa cible, mais comme toute confession, la sincérité prime, c’est une relation de confiance sur le long terme que l’on construit. Les détails ne sont pas anodins, et chacun d’entre eux doit faire l’objet d’une reflexion aboutie pour un rendu fidèle. Les logos interchangeables, non merci ! Il s’agit également de cadrer la sémantique. C’est ce souci du détail qui fixe le prix réél d’un logo. Il doit durer 10 ans si ce n’est tout une vie. C’est un investissement. L’amateurisme se voit plus que certains semblent le penser. « Moque-toi de la montagne, et la montagne se moquera de toi », Elie Semoun. Comprendra qui comprendra 😉


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